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Des militants kurdes visés par une enquête antiterroriste

Le documentaire dure 15 minutes et 16 secondes. Il est au format mp3. Vous pouvez l’écouter avec le lecteur ci-dessous.

Texte :

« En Turquie, j’étais journaliste. Vingt ans de prison m’y attendent » explique Selma, secrétaire de la fédération des associations kurdes (FEYKA), après avoir évoqué l’arrestation de son cousin, réfugié politique comme elle.

Depuis début juin, la police française a procédé à deux vagues d’arrestations en région parisienne dans les milieux kurdes. Résultat : 14 personnes arrêtées, et 6 d’entre elles, des réfugiés politiques, mises en examen dans le cadre d’une enquête antiterroriste. 5 sont en détention provisoire. Ces opérations visent des personnes qui de près ou de loin ont des contacts avec des associations kurdes en France : des dirigeants, des militants, de simples membres.

Il leur est reproché de soutenir et de financer le parti des travailleurs kurdes (PKK), un groupement politique d’extrême gauche qui se bat, avec d’autres organisations, pour la reconnaissance des droits des Kurdes qui peuplent l’Est de la Turquie. « Nous sommes là mais notre coeur est toujours avec les Kurdes qui vi vent en Turquie. Nous sommes proches de leurs luttes. C’est normal pour nous », rétorque Selma. En venant nous réfugier en France, « on n’a pas dit qu’on jetterait nos idées, on n’est pas venus ici sans nos idéaux », insiste-t-elle.

La population kurde est répartie entre la Syrie, la Turquie, l’Iran et l’Irak. Dans ces deux derniers pays, elle dispose d’un territoire autonome, ce qui ne signifie pas forcément que la situation y soit plus favorable. La Turquie ne reconnait pas les Kurdes comme un peuple à part entière. Le PKK est créé à la fin des années 1970 pour défendre les droits des Kurdes de Turquie, et entreprend une lutte armée contre l’Etat turc à partir de 1984. Il est aujourd’hui considéré comme une organisation terroriste notamment par les Etats-Unis et l’Union européenne.

Aujourd’hui, les revendications d’indépendance du PKK se sont muées en demande d’autonomie pour la région, d’amnistie pour les militants et de libération pour leur chef Abdullah à–calan, détenu en isolement depuis 1999. Le PKK a unilatéralement déclaré des cessez-le-feu à plusieurs reprises, dont un récemment et toujours en vigueur. Si quelques avancées concernant les droits culturels des Kurdes peuvent être notées, elles ne sont pas suffisantes pour un peuple dont l’existence et les spécificités sont toujours niées.

Fragnoli : après Tarnac, le Kurdistan

De toute évidence, la lutte contre les mouvements kurdes dépasse les frontières de la Turquie. Ce mardi 28 juillet, des responsables turcs, irakiens et américains se sont retrouvés à Ankara pour prévoir le renforcement de leur coopération contre les hommes et les femmes de la guérilla kurde retranchée dans les montagnes à la frontière avec l’Irak. En mars, la Turquie a pu bombarder des bases du PKK dans le nord de l’Irak, grâce à l’autorisation du pays et aux renseignements américains.

En France, police et justice enquêtent depuis des années sur ces milieux militants. Et ce n’est autre que le magistrat Thierry Fragnoli, connu pour avoir instruit l’affaire Tarnac, qui s’occupe du dossier des six récentes mises en examen. Du coté des militants kurdes, on assure qu’ « on ne touche pas à la loi française, on travaille démocratiquement et légalement ».

Concernant l’implication française dans ce conflit, les avocats et les soutiens des Kurdes écroués aujourd’hui analysent ces poursuites sous un angle politique et économique. Par exemple, « c’est la saison de la Turquie qui commence en France, et on (Airbus) vient de signer un contrat avec la Turquie (en juin pour la vente de deux A330-200 et cinq A330-300) » souligne Selma.

Si des Kurdes vont être jugés en France, un grand procès est en train de se tenir au même moment en Turquie, visant cette fois une organisation secrète d’extrême droite dont l’objectif aurait été de déstabiliser le gouvernement islamiste modéré par des actes criminels et des coups d’Etat. Ce réseau regroupant des membres de l’armée turque et des intellectuels proches des milieux kémalistes auraient également été impliqués dans les exactions envers les Kurdes, dont 17.000 d’entre eux ont toujours portés disparus ou morts dans des circonstances non éclaircies. De révélations en aveux, des corps sont retrouvés et des charniers mis au jour. 56 personnes sont actuellement inculpées, mais Selma n’est pas convaincue. Pour elle, ce n’est qu’un ménage intérieur à l’Etat et pendant ce temps, les prisonniers politiques kurdes restent à l’isolement dans les prisons de type F, dénoncées pour la torture psychologique qu’elles font subir et les mauvais traitements qui y ont cours.

Après avoir raconté comment torture et enfermement ont marqué sa vie dès l’âge de 15 ans, Selma explique qu’elle n’est qu’une parmi tant d’autres à avoir connu ce traitement, comme les Kurdes détenus aujourd’hui en France. Elle en tire une conclusion : « Les personnes qui ont réussi à survivre à ça restent naturellement proches de la lutte ».

Un dossier de presse réalisé par Feyka, la fédération des associations kurdes en France est téléchargeable à ce lien.

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