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Troisième épisode : La région de Batman et le barrage d’Illisu

Contexte géopolitique de la construction des barrages turcs du GAP, Bouleversement du tissu social de vallées kurdes

Le documentaire est en mp3 et est d’une durée de 46 minutes et 40 secondes.

Il peut-être écouté par le biais du lecteur ci-dessous.

Texte :

Hasankeyf est une ville douze fois millénaire et constitue un site archéologique vivant remarquable du Kurdistan turc. Cette ville est située au bord du Tigre à 40 kilomètres de Batman, ville principale de la région.

Depuis le début des années 2000, l’Etat turc a proposé la construction d’un barrage (Illisu) qui verrait la ville d’Hasankeyf entièrement noyée sous les eaux.
Ce projet est à la croisée de nombreux intérêts de la part de l’Etat turc :
il permettrait de noyer sous les eaux l’un des berceaux de la mémoire historique du Kurdistan et l’un des fiefs symboliques de la lutte du peuple kurde pour les droits à revendiquer une identité culturelle autonome face au centralisme turc
ce barrage permettrait un contrôle total du débit du Tigre, fleuve qui alimente des vallées riches agricoles de la Syrie et de l’Irak. Plusieurs conflits autour de la gestion de l’eau ont marqué les relations diplomatiques entre la Syrie, l’Irak et la Turquie, l’étape la plus marquante ayant été la coupure totale du débit de l’Euphrate en 1990 par la Turquie durant neuf jours via le barrage Attatürk. Ils ont aussi servi de monnaie d’échange quand la Tuquie a voulu imposer que la Syrie livre le numéro un du PKK aux services secrets grecs.
le lieu est stratégique aussi : le bassin du Tigre sépare deux massifs montagneux où sont présents la guerilla. Créer un barrage et une grande étendue d’eau coupe toutes possibilités de communication entre ces deux massifs.

Courant mai 2009, plusieurs états européens (Danemark, Autriche et Allemagne) ainsi que des banques occidentales européennes (dont notamment la BNP Paribas) se sont retirés du plan de financement et d’aide à la construction de ce barrage suite aux différentes actions de sensibilisation et aux travaux de lobbying des états syriens et irakiens. Ce projet est donc l’objet d’une focalisation internationale très forte et constitue le projet de constuction de barrage le plus contesté du monde.
L’année 2009 est aussi une année charnière pour la Turquie avec la création d’une commission spéciale européenne pour la Turquie présidée par Daniel Cohn Bendit. Celle-ci est notamment en charge de l’élaboration de critères d’adhésion de la Turquie à la Communauté Européenne et à la validation de ces critères.

L’association « Initiative to Keep Hasankeyf Alive » fait partie des associations luttant contre ce projet de barrage. Celle-ci lutte notamment en produisant une documentation très conséquente sur l’impact écologique et démographique des projets de barrage du GAP (projet de barrages turcs dans le sud-est anatolien) et le contexte géopolitique dans lequel se situe l’ensemble des projets de barrages du GAP.

Toutefois, la Turquie semble très attachée à ce projet et aurait signé courant octobre 2009, selon des sources du collectif de Hasankeyf, un accord tenu secret pour le moment avec le Ministère des Affaires Etrangères allemand en vue de l’obtention d’un crédit. Pourtant, le site de Hasankeyf répond à neuf critères sur dix pour être classé parmi les merveilles du monde d’après l’UNESCO …

La ville de Batman a déjà connu en 1995 les conséquences de la construcution d’un barrage en 1995. Les villageois expropriés avaient été relogés dans une cité fantôme située à 7 kilomètres du centre-ville de Batman. Au début de leur installation, ils se sont retrouvés isolés, coupés totalement de leur ancien tissu social. De plus, aucun effort n’avait été fait pour penser leur intégration dans leur nouvel environnement. Pas d’infrastructures sanitaires, éducatives ni de voies de communication. Aujourd’hui la situation s’est un peu améliorée : une route et une école ont été créées, mais les habitants se plaignent encore de coupures d’eau et d’électricité qui peuvent durer plusieurs semaines. Si auparavant les familles pouvaient subvenir à leurs besoins en cultivant leurs terres, les hommes doivent désormais se déplacer pour de longues périodes afin de chercher du travail à l’ouest de la Turquie. Les bâtiments ne sont pas entretenus et les appartements qui ont été fournis n’ont pas été pensés pour accueillir des familles nombreuses, comme le sont la plupart de celles des villageois kurdes.

Batman est une ville pétrolière de 300000 habitants qui a connu une explosion démographique il y a 30 ans avec la découverte de puits de pétrole. Les phénomènes d’émigration forcée dus au conflit kurde ont déjà fortement perturbé son équilibre. La mairie DTP craint un nouvel afflux de déplacés : une fois le bassin du Tigre submergé, 70000 personnes devront trouver un nouvel habitat. Afin d’impliquer les villageois concernés dans la lutte contre le barrage, la municipalité entame des travaux de restauration des infrastructures des villages. Ces initiatives permettent de nouer un dialogue avec les chefs de village en valorisant leur patrimoine et en mettant en évidence que l’habitat et le réseau social dont ils jouissent aujourd’hui ne pourra pas être remplacé par les promesses de relogement de type urbain proposé par le gouvernement.

Intervenants : Ipek Tasli, membre du collectif Keep Hasankeyf Alive ; Une membre du collectif Keep Hasankeyf Alive spécialisée en écologie ; Le maire de Batman ; Serhat Cacan, membre du collectif Keep Hasankeyf Alive ; Villageois relogés après le barrage de 1995 ; Micro-trottoirs de manifestants à Hasankeyf


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